L'imposture Allouche

Nader Allouche ou l'imposture mytho-intellectuelle d'un Peter Pan des temps modernes

Je m’étais promis depuis la découverte du personnage en octobre 2019, de ne pas lui donner l’importance qu’il n’aura jamais, dans la mesure où ses déclarations puériles d'une niaiserie désarmante, n'en font pas quelqu’un de particulièrement (ou trop) méchant.

Mais depuis que la presse d’extrême-droite lui offre des tribunes où déverser ses propos nauséabonds doublés d’une inculture crasse, et qu’il profite de son nombre de followers sur Twitter (de Facholand, pour la plupart d'entre eux) pour inventer un pseudo incident qui serait survenu pendant un trajet de bus, j’ai senti que cet individu commençait à devenir dangereux, et qu’il fallait le combattre sur le plan des idées (il ne faut pas nous mentir, il y a à boire et à manger à ce niveau).

Pourquoi cette allusion à Peter Pan dans le sous-titre ? Parce que comme nous allons le constater, Nader Allouche vit dans son pays imaginaire : NaderLand.

Le premier contact de Nader avec l'extrême-droite remonte à 2012. Il avait réalisé un entretien avec Marine Le Pen pour la chaîne privée syrienne Sama TV (proche du régime de Bachar al-Assad). Il avait 21 ans à l'époque, avec davantage de sourcils néanmoins. On peut trouver la vidéo de l'entretien sur sa chaîne Youtube créée en 2013, notamment pour impressionner le jury de Sciences Po (on y reviendra).

Vidéo complète de l'entretien :

On apprendra deux années plus tard, dans un article du journal "Le Figaro" paru en janvier 2015, que Nader Allouche a cessé toute collaboration avec Sama TV depuis 2013, suite à un conflit d'ordre «éthique» lié aux conditions de diffusion d'une deuxième interview exclusive de François Bayrou.

Or, et jusqu'en 2016 au moins, dans le site lekiosquemedias.com, Nader est toujours présenté comme étant un journaliste indépendant correspondant aussi bien pour Radio Sawt El Mada et Sama TV.

Un mois après l'assassinat de l'opposant tunisien Chokri Belaïd le 6 février 2013 par un groupe religieux radical, Nader publia dans sa chaîne Youtube (à 12 abonnés) un enregistrement audio portant le logo de la chaîne de radio libanaise Sawt El Mada, et précisant qu'il a été réalisé aussi bien pour cette dernière que pour NBN TV, chaîne de télévision libanaise; lequel enregistrement contient vraisemblablement un entretien téléphonique avec un dénommé "Jilali Hammami", désigné dans la présentation de l'enregistrement comme étant "le porte-parole" du parti de feu Chokri Belaïd. Les 29 secondes qui précèdent l'entretien contiennent une présentation dans un arabe plus qu'approximatif, se rapprochant d'un lecteur automatique de fichier pdf, ainsi que des enchaînements incohérents et incompréhensibles.

Il s'agissait en fait de Jilani Hamami, l'un des dirigeants actuels du parti d'opposition tunisien El Jabha Chaabia (Front Populaire tunisien ! Tiens tiens tiens).

Paradoxalement, en décembre 2018, Nader s'est rendu en Israel accompagné d'une délégation de chercheurs et journalistes d’Europe d'origine arabo-musulmane. Il a notamment visité la Knesset, prétendant dans son compte Facebook être le correspondant de la radio libanaise"Sawt El Mada" et le site tayyar.org . Laquelle représentation a été énergiquement démentie par ces deux derniers médias dans un article publié dans le site qananews.org, qui ont affirmé que Nader ne travaille pas, n'a jamais travaillé pour eux et ne les a jamais représentés en quelque qualité que ce soit.

Revenons en 2013.
Dans l'entretien téléphonique prétendument réalisé au compte de Sawt El Mada, Nader se présente en tant que candidat au double diplôme de l'EJSP (European Journal of Social Psychology) et de la PSIA (Paris School of International Affairs, École des affaires internationales de Paris Sciences Po Paris). 

Une recherche sur Google permet de découvrir que Nader était inscrit au forum des étudiants de l'Institut D'Etudes Politiques De Paris depuis l'été 2012 jusqu'à mai 2013. Information confirmée par sa fiche "Copains d'avant" qui précise néanmoins une inscription datant de 2014.

Or, le master à l'IEP nécessite un parcours de formation de deux ans minimum. Et si l'on s'en tient à sa fiche "Copain d'avant", il aurait été impossible pour Nader de terminer son master à l'été 2014, et de prétendre au titre de doctorant durant la même année

Entre 2014 et 2015, il écrit une série d'articles pour le Huffington Post (version française)...se présentant en tant que doctorant sur l'Islam et les "Arabies chrétiennes" et contributeur de la presse arabe (sachant qu'il a 23 ans en 2014)

Le Huffington Post présente Nader comme étant un "doctorant en Islam", ainsi qu'un "doctorant en Histoire".

Suivant la 2ème description, peut-on envisager une seconde aspirer à être doctorant en Histoire ou en islamologie sans avoir obtenu préalablement une licence ainsi qu'un master dans l'une de ces deux disciplines ?

Une recherche Google nous permet de connaître l'intitulé de la prétendue thèse de doctorat en Histoire et Civilisations que préparerait Nader  : "La révolution de l'imprimé dans les provinces arabes de l'Empire Ottoman" (Sorbonne). Information supprimée de la page Facebook de Nader

Ajouté au fait que ni le nom de Nader Allouche, ni l'intitulé de sa prétendue recherche ne figurent dans la liste des thèses de doctorat inscrites à Sorbonne Université.

En 2015, Nader avait déclaré dans son compte Facebook avoir obtenu un master en philosophie et éthique. Information également supprimée de sa page Facebook

Après une précédente rencontre en novembre 2016, Nader s'est entretenu au téléphone en mai 2018, avec le chargé d'affaire de l'ambassade de Malaisie à Paris, à propos du dialogue interconfessionnel et la possibilité pour la Malaisie de participer à un forum organisé par la Fondation Konrad Adenauer (think tank allemand associé à l'Union chrétienne-démocrate d'Allemagne) à Berlin en octobre 2018. Durant l'entretien, Nader a prétendu représenter l'Ecole Normale Supérieure. Pourtant cet établissement n'a aucun lien avec Nader.

Toujours en 2016, un article d'"Opinion Internationale", le présente comme étant un "candidat-doctorant sous la co-direction d’un professeur d’une université parisienne et du Cheikh Nabil" de l'université El Azhar, dont le projet de thèse porterait sur les réformes arabe et islamique. Le même article d'"Opinion Internationale" annonce que Nader était l'auteur d'un ouvrage intitulé « Les Arabes : quand ils étaient chrétiens, quand ils ont accueilli l’islam. Le parti Baath. Qui sont-il aujourd’hui ?» aux éditions du Cerf (L'éditeur de Fatiha Boudjahlat)

Une rapide recherche dans le catalogue des éditions du Cerf s'avère (encore une fois) infructueuse.

En avril 2020, sur son compte Twitter, et toujours sur un ton fanfaron d'érudition multidisciplinaire désormais coutumier, Nader prétendait avoir élaboré un mémoire de recherche sur le nationalisme arabe, avec un chapitre consacré à l'historiographie musulmane dans la pensée arabo-nationaliste.

En somme, Nader se révèle être un mythomane menteur particulièrement doué dans l'art de la fabulation et la fanfaronnade. Pourquoi agit-il ainsi ?

Eprouve-t-il un besoin vital de compenser un sentiment de vide existentiel, ou est-il plutôt exposé à des situations stressantes, traumatismes ou événements de vie insurmontables qui l'amènent à ne pas supporter son identité et à vouloir à tout prix se fabriquer un autre soi ?